Les fantômes de Transylvanie

La déportation vers les goulags russes et la disparition de dizaine de milliers de Saxons de Transylvanie après la Seconde Guerre mondiale laissèrent un immense vide dans le pays. Nombre de villages furent oubliés et détruits par le temps. À Engenlthal, un artiste roumain tente de sauver la mémoire des Saxons.

église engenthal

La Roumanie compte une centaine de villages fantômes…et autant de patrimoine menacé.

Des colons intégrés

Les Saxons de Transylvanie sont arrivés d’Allemagne en Roumanie au XIIème siècle. Ceux qui étaient des colons censés assurer la défense de la frontière sud-est de la Hongrie contre les envahisseurs se sont ensuite très bien intégrés au fil des siècles. On estime à 235 000 personnes le nombre de Saxons vivant en Transylvanie en 1910.

L’histoire de la fin de la communauté saxonne de Roumanie se situe dans les années 1940, lorsqu’ils furent enrôlés (de gré ou de force) dans les rangs de la Wehrmacht, plutôt que dans ceux de l’armée royale de Roumanie. Après la Seconde Guerre mondiale, les Saxons furent dépossédés de leurs titres de propriété et persécutés par le régime communiste. Plus de 80 000 d’entre eux furent déportés dans des goulags. Ainsi, des centaines de villages roumains furent abandonnés. Leurs traces se perdent sous l’emprise de la nature qui reprend ses droits dans les vallons et les forêts transylvains.

Engenlthal

Engenlthal était constitué à 90% de Saxons. Depuis des décennies, la vie s’est arrêtée là-bas. Deux fermiers y vivaient encore dans les années 2000. Le premier est mort il y a quelques temps. Le second quittera les lieux à l’été 2014. Entre-temps, un nouveau venu réveille les vieilles pierres : Tara « von Neudorf » (du nom du village saxon de sa mère).

Un brin misanthrope, Tara vit reclus dans sa montagne. Il se fraie un chemin parmi les herbes hautes pour retrouver « son » village, auquel plus aucun chemin ne mène. Au début du siècle dernier, le village comptait une centaine de maisons et une belle église qui venait d’être refaite. On aperçoit encore l’inscription « 1914 » peinte sur le mur de la nef. Aujourd’hui le village a disparu et seules quelques maisons abîmées et l’église sont encore visibles.

Cet artiste roumain a décidé de préserver la mémoire et le patrimoine saxons de ce village. Depuis quatre ans, il survit en rachetant du fromage, de la viande et des œufs au fermier du coin. « Ma présence ici est à la fois une performance artistique et à la fois une tentative de préservation du patrimoine saxon qui s’émiette. » Le départ du dernier fermier l’inquiète car il sera alors totalement isolé.

tara

Tara (von Neudorf) passe un quart de son temps à Engenlthal. Ses expositions à Paris, Bruxelles ou Cracovie, et son travail dans l’un de ses autres ateliers en Roumanie l’occupent le reste de l’année.

Chantiers

Tara évoque ses prochains projets : restaurer la vieille église d’Engenlthal, qui date du XIVème siècle et qui tombe en ruine, mais aussi créer un musée de l’histoire saxonne, et enfin construire un temple dédié au culte de sa propre personne. « Je récupère des objets dans les villages fantômes de Roumanie. J’en ai énormément que j’entasse dans un atelier en ville. Plus tard, j’ouvrirai un musée avec cette collection. » Tara semble chez lui partout. Il sait où trouver les clés des églises saxonnes à l’abandon et se sert parmi les quelques reliques encore présentes. « Je pourrais l’utiliser dans une de mes peintures, ou le mettre en exposition dans mon musée. »

La grande majorité de ses œuvres s’inspirent des conflits majeurs de notre temps : Srebrenica, la Seconde Guerre mondiale, la Palestine, l’Afghanistan. On y aperçoit Hitler et Ben Laden, aux côtés d’Helena Ceausescu. Ici et là des swastikas, des étoiles rouges et des têtes de mort, comme autant de symboles de la violence de l’Histoire.

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Juil 22 2014

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